Auprès de mon arbre, je vivais heureuse…

Il y a des années de cela, du temps de ma vie de folie hyperactive, j’allais parfois m’affaler chez des amis dans un moulin en forêt de Compiègne en fin de semaine, et je me réfugiais prés du feu, un verre à la main, et quand l’hôte me proposait la traditionnelle sortie dominicale en forêt, je déclinais l’offre avec dédain : «froid, mouillé, et tout ce vert, quelle horreur ! ».

Les années ont passé, et comment l’ignorer, en Octobre 2014, un coup de bistouri a peut-être changé le sens de ma vie.

Je suis rentrée à l’hôpital de Garches, par un jour de soleil, debout en trottant presque allègrement. Je me suis réveillée, la #moelleépinièrelésée, ne marchant plus, sans sensation en dessous de la taille. S’en sont suivies de longues semaines allongées, des mois,  dans un lit d’hôpital sans bouger, et de mon immobilité, #paraplégique, j’apercevais par la fenêtre un seul grand arbre se dégarnir. Des semaines plus tard, ma kiné m’a sortie dans un fauteuil roulant, emmitouflée, par un matin juste avant Noel, dans la cour de l’hôpital : magie et émotion de la lumière d’hiver, de l’air frais, de la vue des #arbres.

Depuis cinq ans ont passé, où j’ai été rééduquée à mon nouvel état.

Je me suis adaptée à une nouvelle #verticalité, fragile mais réelle, en privilégiant à la recherche d’un équilibre juste et parfait, la facilité d’une adaptation  réaliste à mes faiblesses musculaires, d’une suradaptation de ce qui fonctionnait aux dépends des parties de mon corps, éteintes, lésées et absentes. On m’a acclimatée.

La vie a été généreuse en m’offrant la chance de devenir autrement #alignée, en cohérence avec qui je suis véritablement, par l’écriture et la transmission: je suis devenue « #passeuse de mots »

Je lui en sais gré.

Mon corps a vite cessé de progresser, en un an environ, et je me suis installée  dans ce minimum physique accepté, somme  toute vivable.

Je peux sortir dehors, mais sans #autonomie véritable, avec une canne et la présence et la main d’un accompagnant, je peux me baigner, mais avec une ceinture, et encore #assistée par quelqu’un, je peux sortir en VTC à condition que je sois accompagnée de la portière de la voiture à la porte d’entrée. Limitée, mais #debout, ces cinq dernières années.

Pénalisée par un #handicap énorme, des douleurs intenses, un équilibre précaire que peu de gens savent deviner, comprendre et accompagner. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai été bousculée dans la rue, à une réception, mal à l’aise dans une foule ou dans un restaurant, fragilisée en compagnie. #Handicap invisible, Le paradoxe du handicap que j’ai déjà évoqué.

Mes épaules et mes bras sont vrillées de #douleurs, mes jambes lâchent ou vrillent et mes pieds sont déformés et lacérés de blessures et d’élancements. Plus de progrès, et cela semblait chose entendue.

Alors que dans ma vie, j’avais retrouvé un sens, une verticalité, des racines, un ancrage, que je suis devenue #écrivaine avec Le Roseau Penchant et #conférencière avec un TEDx qui dépasse le million de vues et est même sous-titré en japonais

Je sentais s’épanouir en moi une horizontalité nouvelle, née du partage, de l’authenticité, du lien à l’autre, de la #transmission qui est ma mission, et qui, en m’offrant en sincérité aux autres, me libère et me fait cheminer plus avant. Alors que je me connecte de plus en plus profondément à mes valeurs, et qu’en les partageant, je me situe dans un monde plus vaste et plus intense. Où #toutestpossible. avec l’écriture

La possibilité même de retrouver un corps plus agile et libre est venue m’interpeller.

Les grèves de l’automne sont arrivées, et ont ajouté une #contrainte de plus à ma vie, comme à celles de milliers de personnes à mobilité réduite. C’est un fait, pas un jugement politique. Des quartiers entiers, dont le mien parfois, me sont devenus interdits d’accès, car trop dangereux du fait des débordements des manifestations. La foule est naturellement un péril pour moi qui suis hésitante et trébuchante. Des journées entières, je n’ai pas pu sortir chaque semaine, pour les mêmes difficultés de transport. Personne ne pouvait non plus souvent venir à moi, et je restais enfermée chez moi des jours durant, ne marchant pas assez, avec de ce fait des douleurs nouvelles, et le moral dans les chaussettes.

A un moment, il a fallu trouver une solution car j’étais en train de régresser et de m’étioler.

Et j’ai eu la chance de pouvoir pratiquer intensément un mélange de #yoga et de #Pilates, avec une jeune femme étonnante – j’y reviendrai – à la maison quasiment quotidiennement, qui m’a amené à reconsidérer mes déficits musculaires et neurologiques en plusieurs étapes.

Tout d’abord réveiller, notamment par la #visualisation, des morceaux de mon corps, totalement éteints. Et renforcer ceux qui étaient déjà réactifs, mais que mon inactivité forcée était en train d’amoindrir.

En quelques semaines intenses, je faisais les premières postures, dont la sacro sainte #planche. Je devenais de plus en plus consciente de ce que je pouvais précisément faire et comment, et de ce que je ne savais plus faire et où et pourquoi. J’analysais les #forces et #faiblesses des différentes parties de mon corps, aux atouts et difficultés totalement différents, loin de toute logique, très incompréhensibles.

Et je décidais de lâcher le chemin du #confort, celui de l’#adaptation à mon corps dans un état accepté pour tel, par facilité et aussi par résignation, pour choisir le  chemin escarpé et passionnant, de la vraie #rééducation, c’est à dire de la compréhension et de la mise en œuvre d’un travail physique et mental , précis et spécifique qui soit adapté à chaque partie en cause de mon corps, en travaillant finement le moyen le plus #subtil de l’accompagner dans un #renforcement qui lui est propre, au millimètre prés, en conscience, en lien profond avec chaque partie de chaque membre, de chaque vertèbre, de chaque organe, de chaque hémisphère,..

Il y a une semaine, je décidais de reprendre le chemin de l’autonomie, en sortant à l’extérieur désormais avec deux cannes pour m’assurer d’une meilleure stabilité, dans une démarche plus autonome et plus équilibrée.

Encore accompagnée, mais marchant seule. Il y a de nouvelles peurs qui s’expriment, sur lesquelles je commence à avoir une petite idée. Affaire à suivre.

#Vulnérabilité qui m’interpelle, au moment même, où j’ai à ancrer qui je suis aujourd’hui.

Au moment où, en public, s’ouvrent à moi des opportunités d’aller plus loin dans le #partage et la #transmission.

Et aujourd’hui, j’en reviens aux arbres, mon propos initial.

Aujourd’hui,  21 Février 2020, c’était un magnifique jour d’hiver, clair, et ensoleillé, le jour où Florence Karras m’a permis de me reconnecter avec la forêt que j’avais si peu et mal aimé.

Nous nous connaissions peu, Florence et moi,  quand Alice aux merveilles nous a permis de nous rencontrer un soir. Une rencontre amicale. Je suis les activités de  Canopsia , et ce pas de coté me fait rêver en ces premiers jours de 2020 : avec ces grèves, aller respirer, sortir, se promener est devenu un rêve , quasiment un fantasme. Parfois, je pleure d’être ainsi enfermée.

Florence, avec sa générosité profonde, me propose de prendre date, une journée que pour moi, dés que possible, avec mes difficultés. Il y a le froid, les tempêtes, la pluie, et ce fut aujourd’hui.

Depuis plusieurs jours, je sais Florence aussi heureuse que moi de cette aventure, mais je découvre avec stupeur qu’elle me prépare un cocon de sécurité et de confort, qui me bouleverse et m’émerveille :

A quelle heure, je peux partir, de quoi j’ai besoin, on aura une chaise plainte, Florence traverse Paris pour me chercher à domicile et me ramener. Nous partageons, nos vies, nos cœurs, nos passions, nos joies, nos difficultés. Comme avec une sœur que je n’ai pas. Nous déjeunons et nous équipons chez elle.

Et 13 heures 30, c’est la #forêt. Et là, je n’ai plus regardé ma montre. Ni mon téléphone !

Nous avons tendrement fait, main dans la main, les présentations, l’acclimatation : le ciel, les canards, les arbres, la souche, le lac. La respiration s’apaise, mais je sais en #conscience ce qui m’habite et que j’ai à déposer, mon stress, ma tristesse, mes peurs, ma fatigue. Nous avançons lentement, le temps est absent, je suis en totale #confiance et #sécurité.

Nous entrons en forêt, comme on entre dans une #cathédrale, impressionnée par le lieu, respectueuse, attentive. Florence s’assure de mon #équilibre à chaque pas.

Moi qui suis profondément visuelle, je m’étonne d’avoir pu un jour ne pas être émerveillée de ces #verts multiples étincelants, de ces traces, de ces mini lichens et de ces jolies mousses, de ces minuscules jardina japonais, des mosaïques d’écorces. Florence m’amène vers l’infiniment #petit, et l’infiniment #grand.

Nous marchons, nous grimpons, je slalome entre les branches au sol, sur un tapis de feuilles qui crissent, avec l’aisance d’une habitante des bois. Je suis bien.

J’entends les feuilles, je me repose contre un tronc, je me perds en lui, je caresse des herbes, des arbres, des feuilles, l’air souffle sur mon visage, les oiseaux chantent.

Je découvre mille formes,  uniques, vibrantes, nous nous posons entre des arbres longuement, je me pose, je me repose, je pèse sur eux, ils me soutiennent, et ces petits muscles disparates qui me constituent,  sont détendus, brassés, accueillis, entendus. Je me ressource profondément.

Au sein de certains, je m’évade, je médite, je m’apaise. Une halte pour reprendre une énergie nouvelle, avec le plaisir d’un thé.

Une larme, cela doit être le froid !

Tant d’autres choses à raconter, mais gardons des secrets.

Nous sortirons de la forêt par un escalier de terre et de rondins, majestueux.

Il est 17 heures 30, mais est ce la même journée ?

Je suis bien, mon corps est unifié, je ne ressens plus cette impression familière, depuis cinq ans, d’être une accumulation de parties disparates d’un même corps, je suis dans une globalité bienfaisante, apaisée, sereine. Épuisée et nourrie, en pleine capacité pour être sur la scène du #Zénith le #8mars à #Debout Citoyennes avec Eklore. Confiante.

J’ai envie de rester avec Florence, de retrouver ce havre  avec  régularité et la paix qui y réside.

Merci Florence, et longue marche à Canopsia

Peut-être. Bientôt.

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