Mes voeux pour l'année à venir
On n’est pas résilient à vie, à chaque étape de sa vie, tout est à nouveau sur le tapis et, là, à vous de jouer…en 2023.
La résilience n’est pas octroyée pour la vie, quoiqu’on soit entrainé et familier avec elle. Il faut cultiver en permanence notre désir de jouer, de vivre et parfois, changer de niveau.
L’année touchant à son terme, regardons avec indulgence nos jours passés : chacun d’entre eux a été une aventure en soi et un socle pour le jour qui se lève.
Sans me prendre pour « feu la Reine », 2022 restera au Panthéon de mes « annus horribilis* ».
2022 fait partie aussi de ces années charnières que nous reconnaîtrons peut-être ultérieurement comme des moments pivots, des fins d’une époque, des temps de pertes douloureuses, mais aussi ceux d’ouvertures à des possibilités que nous ignorions.
2022 a été une année brutale pour le monde, où la guerre s’est rapprochée, les éléments se sont fâchés, et les menaces climatiques, économiques et géopolitiques se sont faites visibles et concrètes, au lieu de rester juste menaçantes comme des croquemitaines lointains.
Dans le monde des symboles, les manifestations se sont multipliées, toutes plus pesantes les unes que les autres, et la fatigue émotionnelle et physique nous saisit tous par moments.
Nous sommes le miroir du monde, qui n’est autre qu’une illustration de nos tourments intérieurs.
Du moins nous le croyons, sans tirer de leçon, ni simplement nous souvenir des autres années perturbantes et passées, l’an 1000, l’an 2000, Y2K comme on disait, et tout ce qu’ont pu porter d’autres années maudites dans l’imaginaire collectif.
Hystérie collective, probablement, mais pas que, les menaces sur le Vivant sont aussi bien réelles.
Comme sont réels, pour chacun d’entre nous, les drames qui ont marqué nos vies personnelles et qui font que nous attachons à certaines dates ou époques des poids ou des malédictions : le temps d’un accident, d’une intempérie, d’une maladie, de deuils, d’une perte d’emploi, d’un chagrin d’amour, d’une trahison, d’un abandon, la liste est longue et personnelle.
Est-il un temps du pire, suivi d’une renaissance ?
Je pensais que mon année pivot était 2014 avec mon accident opératoire*, me laissant paraplégique, les attentats de Paris et la perte d’êtres chers et une multitude de chagrins.
2020 avec le Covid me ramena à plus de lucidité. Le pire n’est jamais acquis, dit-on avec ironie.
Ainsi 2022 qui, je vous le confesse, fut un tsunami à vagues successives et violentes, dont je ne m’étendrai pas sur les détails, mais qui cumula tout ce qui peut anéantir la joie de vivre, même chevillée au corps comme la mienne.
Si pour beaucoup de ces tempêtes, je les devais à moi-même ou j’en suis responsable, d’autres vinrent m’atterrer sans avertir : changement de lieu, changement de vie, rupture, séparation, déménagement, emménagement, perte de mes repères familiaux et sociaux, perte de mon environnement et de mes biens durement et longuement conçus et construits, perte d’identité, mise en cause, abandon par des amis proches, trahisons, covid – pour ne pas déroger -, incendies dans mon nouveau lieu de vie, et le drame de deux fins de vie de personnes que j’ai profondément aimées, l’accompagnement jusqu’à son dernier souffle de l’une d’entre elles. Fatigue extrême et usure de mon être.
Et pourtant je le redis, la plupart de ces tempêtes, je me les devais, je les devais à moi-même.
Je m’explique.
Cette fameuse résilience dont on me crédite – dont je ne sais encore si elle est le don d’un divin magnanime, ou juste une des deux faces de la médaille de mon caractère – l’obstination et l’entêtement d’un côté, jusqu’à en crever, qui se transforment en force et persévérance de l’autre, pour enfin Vivre, n’est pas délivrée avec un certificat à vie. Elle exige de ne pas baisser sa garde et de ne pas prendre tout pour acquis pour toujours.
Mon fameux caractère, qui s’est accompagné si souvent du déni de problèmes évidents, du refus de perdre ou d’ouvrir les yeux, du désir de ne pas plier, du refus d’admettre l’erreur ou de rompre un engagement périlleux, de la violence que je faisais à moi-même pour ne pas laisser tomber ce qui de toute évidence n’est pas bon pour moi, par ce qui ressemblait à me convaincre de ma toute puissance matinée de peur de décevoir ou de blesser les autres, mon caractère n’est pas non plus dénué de vulnérabilité et de fragilité.
Bref tout un pathos qui prend son temps pour se dénouer.
Oui, il y a eu certes un jour, fin 2014, où une partie de moi-même, sous l’influx d’un changement majeur d’histoire de vie, s’est profondément transformée ou plutôt a changé de trajectoire.
En 2014, je suis devenue paraplégique et une partie de mes fausses certitudes s’est écroulée. Je pensais avoir affronté la transformation ultime de mon existence. Je n’avais qu’ouvert une boîte de Pandore.
En 2017 et jusqu’en 2020, je suis née comme une seconde fois, j’ai eu cette chance. Je me suis révélée écrivaine et j’ai découvert ma nature profonde, liée à l’écriture, désir d’enfance enterré, et qui s’est réveillée vivace et vivante, m’entrainant dans une autre mobilité de mon être, et exigeant de lui et de moi de s’abandonner à ce qui vient de je ne sais où et m’anime. Je m’y suis reconnue sans imaginer alors que ce n’était que le début d’un long voyage vers l’inconnu et un champ inouï de possibles certes, mais aussi la tyrannie bienveillante de ces possibles.
Qui m’amènerait à devoir me soumettre et livrer à l’exigence de ce que j’écris, m’y manifester, m’y aligner. En ouvrant à ce que je n’imaginais même pas, par ce choix d’enfin me respecter et m’aimer et de me révéler à moi et au monde comme telle.
Et de vivre au-delà de ce que j’imaginais possible, de ce que la société, et ses normes, m’autorisait à oser, avec ce triple désavantage présupposé : Femme, Dite « Senior » et Handicapée à 80%, même si mon handicap est parfois invisible. Qui est devenue femme publique avec un TEDx* visionné par plus de deux millions de personnes.
En 2022, j’ai déclaré mon Manifeste dans un livre dont c’est le titre : « Nos tempêtes sont à la hauteur de nos rêves, manifeste pour ne pas passer à côté de sa vie* ». Audace d’une inconsciente ou innocence d’une téméraire ?
Au final, choisir un tel titre revient à provoquer le destin.
Quand on écrit un Manifeste, c’est tout sauf anodin.
Un Manifeste se doit d’être palpable et notoire, incarné, dans la chair. La première transformation, incarnation d’un manifeste, c’est son auteure.
Cela commence par moi. Par transformer ce qui ne peut plus être. En moi. Ce que je me dois. Pour devenir celle que je manifeste par mes mots et mes écrits. Je me le dois, je m’y oblige.
Me présenter ainsi au monde. Dans mon authenticité.
C’est tout sauf confortable, mais c’est vital. Une évidence impérieuse : je ne peux plus être autre que qui je suis. Je ne peux plus être Wonderwoman notamment.
“Notre chemin est personnel et unique, intime, mais également constitué d’expériences si similaires et reliées.
Nous les foulons de nos pieds successivement, comme des raisins bien mûrs au cours de notre vie, tous autant que nous sommes, pour en extraire le moût, élaborer notre vin, notre grand cru.”
La vie de chacun d’entre nous n’est pas déterminée d’avance, elle s’écrit chaque jour différente et s’enrichit de l’expérience du jour d’avant.
Il y a des passerelles entre nous, des interactions qui font que la transformation des uns peut favoriser la transformation des autres.
Pour autant, la vie de chacun d’entre nous est le Manifeste unique de chacun.
Laissez-moi vous parler encore de l’écriture, comme d’une métaphore, de mon écriture qui me transforme et qui m’agit
Quand j’écris, je laisse s’ouvrir en moi, se libérer un espace, autrement caché, mais infini, d’où jaillissent les mots et les idées qui peuplent mon être depuis toujours. Mais que je suis incapable d’exprimer avant qu’ils n’envahissent mes doigts. Des mots qui sont universels et authentiques. Et dans cette sorte de transe, mes doigts suivent une part de moi qui les dirige fermement vers les lettres. Elles se déversent sur le papier.
Je suis avant tout écrivaine, profondément, viscéralement. J’y tiens : écrire, c’est mon chemin à moi jusque dans les « tsunamis » très récents de cette année 2022 qui a aussi connu des moments de bonheur fulgurant. Ce Manifeste publié en août 2022, la naissance d’une enfant, des rencontres nouvelles et bienveillantes. 2022 n’a été « horribilis » que parce que j’en ignore encore le dessein véritable et les cadeaux cachés à mon esprit encore trop linéaire. Et cela, ces paradoxes de la vie, je les vois désormais clairement.
Ce chemin, écrire, est également ma résurrection. Mon changement de « niveau » se fait avec l’écriture.
C’est mon chemin qui m’écrit, mon écrit qui structure ma vie.
Je ne m’y attendais pas mais ce que j’écris « m’oblige » désormais : à vivre en étant cohérente avec ce que j’ai écrit. A prendre des décisions que je craignais ou que je ne m’autorisais pas à prendre. Et dont certaines ont amplifié sans que je puisse m’y soustraire la violence de ce que j’ai vécu en 2022.
Écrire a un prix ! Cela me conduit une fois les mots assemblés, venus du plus profond et authentique de moi, à aligner ma vie sur ce que je pose comme Manifeste.
La littérature, tous les livres, témoignages, manifestes ou romans, démontrent de notre capacité humaine absolue à voir plus loin, plus grand que SOI. Voir différemment, voir mieux, ressentir, sentir autre chose, découvrir, imaginer, développer, transformer. C’est ce que partagent, probablement, tous ceux qui écrivent.
Mais cette possibilité de voir « plus grand que soi » n’est pas exclusive à la création littéraire : elle est aussi offerte et accessible à chacun, écrivain ou non, lecteur ou spectateur, quand le temps est venu de trouver et retrouver « qui je suis » pleinement.
Illustration de cette façon fluide et libérée dont une transformation de soi vers « plus grand que soi » peut s’auto engendrer, s’imposer à nos êtres.
Quand le titre d’un livre a annoncé le verbe, dont l’esprit n’a pas encore connaissance. Dans une évidence qui passe par le ressenti du corps, qui ne ment jamais, et emporte tout.
Alors que souhaiter pour 2023 :
De nous manifester encore et quel qu’en soit le coût, quels que soient les risques et les intempéries, car se manifester, c’est vivre, ailleurs que dans l’anesthésie d’une ouate. C’est arrêter de survivre ou de sous vivre et surtout, véritablement s’incarner.
C’est ouvrir enfin ses yeux bien au-delà de soi, déciller, élargir sa vision, se dé-focaliser.
Ouvrir les yeux sur notre histoire personnelle, en profondeur.
Quitter le monde des clichés, lâcher la cosmétique, le superficiel, les apparences sociales, vider le trop plein, faire des tris et des nettoyages, ôter les masques, s’épurer, revenir à sa base intime.
Ouvrir les yeux sur l’inconnu et aller à sa rencontre : sur les différences – sexe, âge, situation personnelle, handicap, maladie, culture.
Et virer les capes d’invisibilité que la société pose sur tous ceux qui ne se présentent pas « comme il faut », dans la dictature de la norme convenue.
Ouvrir les yeux m’oblige à être qui je suis, ouvrir vos yeux vous oblige à être.
Et les yeux ouverts, vous n’avez plus à vous poser la question parce que la lumière vous inonde et vous inspire ! Vos yeux ouverts, votre cœur va s’ouvrir.
Aucun effort, quand c’est juste
Si ce n’est prendre soin de moi, de mes peurs, sans jouer les fanfaronnes.
Oui, une enfant en moi est encore terrifiée.
Oui, une mémoire en moi se souvient d’un traumatisme.
Oui, une fidélité en moi est réticente à l’ouverture.
Oui, une trahison, une déception sont encore vivaces.
Un deuil est à finir.
Respectons cette part en nous, visitons nos ombres, apaisons-nous !
Ne nous imposons pas ce que nous ne voudrions pas qu’on nous impose.
Nos ombres sont une des faces de notre lumière. Nos peurs, le reflet de nos audaces, les deux faces d’une même médaille.
Acceptons notre vulnérabilité, notre imperfection.
Et parfois l’épreuve à laquelle on ne s’attendait pas ou plus, viendra ultérieurement ou pas, fertiliser quelque chose, acceptons le deuil et aussi la perte, les pertes, nos bouleversements choisis ou non. Des choix difficiles.
Je ne contrôle plus, mais je maîtrise mes choix.
Tout est incertain, donc tout est possible sur l’échiquier de la vie, laissons faire !
Le chaos est fertile : nos chaos, nos erreurs, nos défaites ne sont que la source, parfois douloureuse, de notre connaissance de soi.
Le chaos porte en lui nos rêves secrets, au fond de notre cœur, tapis, prêts à éclore. Il est aussi la source de la découverte de tous nos possibles et de nos rêves ignorés.
Je ne vous souhaite pas le confort pour 2023, vous vous en doutez, mais je nous souhaite remue-méninges, chamboule tout et richesses cachées assurées.
Et plus encore de l’inattendu et l’incroyable de nos vies.
Bonne année.
Nadalette